Un héritage empoisonné
Un héritage empoisonné
Réalisation : Isabelle Loodts
-> Rencontre avec la réalisatrice en direct sur Facebook & Noozy : Jeudi 20 mai - 21h
Production : Ambiances...asbl
Zoning de Floreffe - 30 rue des Artisans
5150 Floreffe (Belgique)
Tél. +32 (0) 81 73 97 20
info.ambiances@skynet.be
Synopsis
Dans les années 1920, la Belgique et la France se sont débarrassées des rebuts chimiques du premier conflit mondial dans des territoires défavorisés. Les habitants du nord de la Meuse subissent encore les conséquences de l'amnésie qui a entouré la pollution de leurs terres. 100 km plus au sud, à Bure, d'autres citoyens luttent aujourd’hui contre un projet de poubelle nucléaire. Alors qu'un siècle a suffi pour faire oublier le danger des pollutions héritées de 14-18, notre mémoire permettra-t-elle de préserver les générations futures de déchets qui resteront dangereux pour plusieurs millénaires ?
Intervenants :
Albert Warocquier (agriculteur retraité)
Jean-Luc Pamart (agriculteur)
Eric Donnay (service public fédéral belge)
Olivier Saint-Hilaire (photographe et historien)
Cédric Servais (agriculteur)
Daniel Hypolite (ancien maire de Muzeray, agriculteur retraité)
Daniel Hubé (ingénieur environnementaliste - BRGM et historien, auteur du livre « Sur les traces d'un secret enfoui », Ed. Michalon, 2016)
Gaspard d'Allens (journaliste)
Angélique Huguin (association Bure Stop 55)
Patrick Charton (ANDRA)
Claude Kaiser (maire de Ménil-la-Horgne)
Veit Stratmann (artiste)
Les Hiboux de Bure
Isabelle Loodts
De Néandertal aux déchets nucléaires en passant par les déchets de guerre.
J'ai une formation d'archéologue, spécialisée en préhistoire. Pendant 7 ans, j'ai travaillé dans ce domaine, en particulier sur un site de fouille belge du paléolithique moyen sur lequel on a retrouvé des restes d'Homme de Neandertal. Pendant longtemps je me suis donc passionnée pour cette période très lointaine (+/-100.000 ans).
Mais quand je suis devenue maman, j'ai ressenti le besoin de pouvoir m'intéresser aussi au monde qui nous entoure, et d'avoir davantage prise sur lui. Je suis devenue journaliste indépendante.
L'environnement, et les relations que l'homme entretient avec lui, est resté mon fil conducteur, au fil des changements professionnels. C'est comme ça que, contre toute attente, 14-18 a surgi dans ma vie alors que je ne m'y attendais pas du tout. Même si j'apprécie l'histoire, cette période ne m'attirait pas : trop de sang, un récit en noir et blanc, des armes, la guerre... En 2009, mon père m'a demandé de l'aider à mettre en forme ses recherches personnelles sur l'histoire des soins médicaux durant la Première guerre mondiale. Je l'ai fait pour lui faire plaisir, et j'ai découvert un aspect de cette guerre passionnant, l'aspect humain, et la place des femmes en particulier durant cette période.
Les archéologues ont ceci de particulier par rapport aux historiens qu'ils ont besoin de tâter le terrain, d'aller voir ce qui reste sur place. C'est comme ça qu'un jour, je me suis retrouvée à Vauquois, ce village détruit qui fut le théâtre de la guerre des mines. Sur cette butte, j'ai immédiatement compris que j'étais face à plusieurs paradoxes.
Le premier était celui qu’exprime le géographe Yves Lacoste : « (…) parmi les endroits d’où l’on peut voir un paysage, celui dont la vue est la plus belle est presque toujours celui qui est le plus intéressant dans un raisonnement de tactique militaire ».
Le second était que ce paysage porteur de cicatrices très visibles était aussi devenu un lieu de biodiversité. J'ai eu l'intuition que les paysages de la Grande Guerre avaient beaucoup de choses à nous raconter, et c'est comme ça que je me suis lancée dans une enquête sur l'héritage environnemental de la Première guerre mondiale, pour laquelle j'ai reçu, en 2011, le soutien du Fonds pour le Journalisme.
J'ignorais alors que je tirais sur le fil d'une gigantesque pelote de laine, et que celui-ci m'amènerait à m'intéresser aux déchets nucléaires.
Thématique : Campagne poubelle !
C’est un lieu commune de dire qu’on a toujours la possibilité de glisser la poussière sous le tapis. Hop, un petit coup comme ça, vite fait, loin des regards, personne n’a rien vu ! Oui, mais ! Là, dans ce coin perdu, loin des foules et des grandes concentrations, vivent des hommes et des femmes, des familles, des ruraux. Là, dans ces espaces peu peuplés, coulent des rivières, poussent des forêts et vit toute une faune et une flore qui ne demandent rien et qui, fragiles, n’attendent surtout pas qu’on vienne perturber leur équilibre déjà fortement menacé par les changements climatiques. Les décideurs voient tout cela de loin, comme on regarde des espaces vides sur les cartes des aménageurs du territoire. « Ben, là, ce serait pas mal, il n’ y a personne ou si peu… ». Justement, les « si peu », les autochtones, les indigènes, les plus anciens ou les nouveaux installés qui ont choisi de vivre dans ces espaces, si peu qu’ils sont, ne veulent ni de déchets, ni de centrales, ni d’usine polluantes… Alors sont-ils des « nymbistes » (pas de ça dans mon jardin), des égoïstes, des passéistes qui rêveraient du bon vieux temps, et refuseraient le progrès ? Oui, mais, et s’ils avaient des solutions alternatives ? Et si, enfin, l’intérêt général passait devant l’intérêt de quelques-uns ? Et si leur refus, leur combat, était le premier pas de la rupture préparant la réflexion pour une autre société. Et si le combat collectif pour dire NON, en associant les énergies conscientes, inaugurait une autre manière de voir la vie !