Ah que les « bras croisés » sont fatigants !

Au bout de 22 ans, on pourrait penser que tout a été dit, que tout a été filmé et que présenter encore des documentaires sur la vie dans le monde rural relève d'une routine. Continuer amènerait les festivaliers à se répéter et à partager sans cesse les mêmes discours, les mêmes déceptions et les mêmes enthousiasmes. Rapidement l'exercice deviendrait lassant et ferait perdre à toute l'équipe des organisateurs et au public tout élan et toute volonté de poursuivre ces moments d’échange et de confrontation parfois, qui nous amènent à penser le monde tel qu’il va !

Faudrait-il s’arrêter de débattre ensemble pour sortir de la pensée dominante, celle qui nous pousse à croire qu’un monde meilleur viendra de la privatisation de tout et de la course folle vers une consommation sans limite, dans le mépris des autres et de la nature ?

Depuis plusieurs années, grâce aux documentaristes et à leurs films, nous avons bien compris que le temps n’était plus seulement à l'alerte mais résolument aux solutions. Les échanges qui ont accompagné les projections ont montré la direction. Pourtant, les films continuent d’alimenter ce débat chaque année, donnant involontairement la mesure des difficultés à changer les choses. L’impatience pourrait nourrir un abandon, faisant, hélas, les affaires des puissants. Y aurait-il une autre voie que résister et proposer d'autres chemins, si l’on veut changer le cours des choses ?

Les réalisateurs nous montrent que beaucoup ont déjà décidé de ne plus accepter, ni les pollutions, ni les inégalités, ni les isolements. En un mot ils ont renoncé à la sujétion des êtres et des choses au monde de la finance ! Voilà ce que nous diront encore cette année les films réalisés au cours de cette dernière année 2019-2020.

Face aux puissances de l'argent qui se moquent des dégâts que leur cupidité provoque, c'est ensemble que l'on peut changer, en unissant résistances, compétences et solidarités, dans les coopératives, dans les AMAP, dans les collectifs de citoyens… Ensemble, pour produire en respectant la nature, les animaux, les consommateurs, ensemble, pour aller vers une économie supportable et une société plus égalitaire…

Ces documentaristes apportent la preuve que l’homme n’est pas individualiste par nature, au contraire. S’il l’est, c’est qu’il a été rendu tel ! Mais il peut retrouver le sens du partage, et la fraternité peut l’emporter sur la concurrence.

Tous les portraits que nous suivrons encore cette année, montrent que vivre à la campagne est un choix assumé, malgré les difficultés, entre ceux et celles qui choisissent de ne pas rompre la chaîne et se veulent résolument paysans. Tout comme les ruraux, néo ou pas, qui se battent pour être traités par notre République à égalité avec tous les autres citoyens. Tous, à leur manière, prennent le temps de vivre et d’affronter notre époque !

On nous dira que toutes ces expériences sont une goutte d’eau dans la mer et qu’il est facile de refaire un monde meilleur à peu de frais une fois par an dans le confort d’une salle de cinéma !

Ah que les « bras croisés » sont fatigants !